Savoir n’est pas connaître

L’Evangile de Saint Marc se présente comme une énigme : « Qui est Jésus ? » Saint Marc a découvert Jésus, il l’a rencontré et il confesse qu’Il est Jésus, Christ, Fils de Dieu mais l’intelligence des hommes va d’échec en échec… et c’est à travers ces échecs que nous pouvons, nous, découvrir l’identité véritable de Jésus, ses traits divins.

Tout le monde cherche à connaître Jésus, certains pensent savoir qui Il est… mais ils se trompent.

Ceux qui savent vraiment, Jésus leur dit de se taire : les démons hurlent « Nous savons qui tu es ! » et Jésus leur impose le silence ; Il guérit et fait des miracles mais Il le fait en secret, en disant de ne pas le révéler. Croire ne signifie pas mettre une étiquette, il s’agit d’une rencontre qui change la vie, où on se laisse entraîner par la grâce, la grâce d’une présence divine, d’un amour qui transforme la vie. Saint Jacques dit dans sa lettre : « Tu crois en Dieu, tu fais bien, les démons aussi… et ils tremblent ! » La grâce n’est pas un glaçon, elle ne glace pas. Les démons sont sans grâce.

            Jésus dans son village de Nazareth n’est pas un inconnu : on l’a vu grandir, travailler avec Joseph, échanger avec ses cousins et cousines. A Nazareth, tout se sait, et on pense tout connaître de chacun. Nazareth était une bourgade si petite qu’elle a été rayée de la carte au point que les archéologues ont mis longtemps à la retrouver dans les fouilles, à un point tel que l’un d’entre eux à penser que Nazareth n’avait jamais existée.

Alors dans son village natal Jésus ne fit pas beaucoup de miracle. Ce que Jésus désire c’est la foi, notre foi, une foi vivante et transformante. La foi provoque Jésus, elle découvre le secret de qui Il est. Cependant ce n’est que dans sa Passion et sa Résurrection que sa mission s’accomplira et qu’Il se révélera pleinement. Il faudra donc passer par la faiblesse, la fragilité, les souffrances et la mort même. C’est ici que ce déploie la grâce de Dieu, c’est ce dont Saint Paul lui-même a fait l’expérience. N’oublions pas que lui aussi pensait connaître Jésus alors qu’il ignorait tout de Lui, il l’avait enfermé dans ses schémas. 

            Si Jésus fait systématiquement taire les démons, c’est parce que leur proclamation est plus une dénonciation qu’une confession. Savoir trop rapidement peut empêcher de connaître vraiment. Nous sommes alors tentés de prendre d’autres chemins qui ne sont pas ceux de Dieu, ceux du salut apporté par Jésus, mort et ressuscité pour nous. Il y a une lutte cosmique qui oppose le Fils de Dieu au diable. Celui-ci veut révéler le Nom du Fils pour détruire son action. Jésus le démasque. Seul son sacrifice pourra vaincre définitivement le mal. La grâce est un don à recevoir.

La vie de Jésus suscite la controverse, elle est un signe prophétique : « un prophète s’est levé parmi vous. » Accueilli ou pas, Il reste ce signe. Dans l’Evangile de Saint marc il n’y a pas moins de dix controverses : le pouvoir de pardonner, le Temple, l’impôt à César, la résurrection des morts… Jésus laisse deviner la profondeur du mystère qui l’habite ; l’attente d’Israël est dépassée quand Dieu Lui-même vient visiter les hommes. Le disciple de Jésus doit suivre le même chemin : c’est un enseignement nouveau qui est donné. Jésus instaure un nouvel ordre dont Il est le Roi mais son trône est la croix, source de toute grâce.

Nous avons le privilège de connaître Jésus, d’avoir la foi mais il ne faudrait pas vite croire que nous savons tout, que nous sommes arrivés au bout. Saint Paul (Ph3,10) dira humblement « je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai été moi-même saisi par le Christ Jésus. » Nous devons faire un pas pour entrer dans l’intimité de Jésus et pour laisser Jésus entrer dans notre vie, pour vivre selon sa grâce.

Nous avons découvert que Jésus est le messie, le sauveur attendu et promis mais nous devons aussi découvrir la manière par laquelle Il nous sauve et nous conduit : le Messie doit passer par la croix, réaliser le don total de lui-même malgré la souffrance et la mort.  

La vie chrétienne est une vie donnée, le don de la grâce que Jésus nous fait (la grâce est la participation à la vie de Dieu), le don de notre vie qui est la seule manière de suivre Jésus.

L’Eucharistie nous donne l’Auteur de la grâce. Réjouissons-nous, elle nous suffit !

Abbé Pierre PEYRET

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