Il ne faut pas confondre Jésus avec un présentateur de journal ! A deux milles ans de distance l’actualité peut être la même. L’Evangile nous rapporte deux faits divers, l’écroulement d’une tour et un massacre, ce pourrait être aujourd’hui, mais Jésus se sert de ces deux circonstances dramatiques pour nous faire réfléchir. Il veut que nous nous interrogions sur notre vie, que nous lui donnions son vrai poids, son sens véritable, et cela dépend de nous et non pas des événements de l’actualité. Jésus, en quelque sorte, élève le débat, Il nous invite surtout à nous élever plus haut que l’écume des temps.
Que faisons nous de toutes les informations que nous recevons ? Sommes-nous toujours à chercher de nouvelles informations, un peu comme hypnotisés par l’écran ou dans une boulimie frénétique ? Le risque est que nous devenions de simples spectateurs du monde et de la vie. Tout se déroulerait alors sous nos yeux mais sans nous, sans notre engagement, en ne pensant jamais à la responsabilité que nous avons. C’est pourquoi Jésus avertit son auditoire : Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Jésus n’est pas en train de dire qu’il va nous arriver pareil qu’à ces pauvres gens : ils ont été au mauvais endroit au mauvais moment. Dans la vie il y a de l’inattendu mais l’inattendu peut être pour nous la fin du chapitre de notre vie terrestre. Jésus ne les tient pas non plus pour responsables de ce qui leur est arrivé, ils ne sont pas plus coupables que d’autres, il ne s’agit pas d’une punition infligée à eux en particulier. Toute vie est fragile et fugace, la nôtre comme la leur mais aucune vie n’est appelée à être superficielle. Nous sommes invités à ne pas rester à la surface des événements comme face à un spectacle qui ne nous implique pas.
Presque parvenus à la moitié de ce carême l’évangile de ce dimanche nous donne de relancer notre parcours, nous sommes encore invités à la pénitence (c’est-à-dire à la conversion), à la vigilance sur notre vie. Nous ne pouvons pas être spectateurs, il faut être acteurs de nos vies et de la bonne marche du monde. Il nous faut labourer et apporter de l’engrais à ce que nous sommes.
Dans la vie spirituelle on distingue habituellement deux formes de pénitence : la pénitence active et la pénitence passive. Ce que nous choisissons et ce que nous ne choisissons pas mais qui advient sans que nous l’ayons demandé ou cherché.
La pénitence active englobe nos résolutions, ce que nous avons décidé de mettre en place dans notre vie. C’est un effort volontaire auquel nous faisons attention. Cet effort nous le faisons dans d’autres domaines que la vie spirituelle : quand nous avons décidé d’apprendre une langue étrangère ou de jouer d’un instrument de musique. C’est la répétition, le temps consacré jour après jour qui porte du fruit. Effort ne rime pas forcément avec déplaisir, même la fatigue peut être joyeuse. La pénitence qui nous rapproche de Dieu, qui fait grandir la vie, est source de joie.
La pénitence passive est une occasion qui nous est offerte par les circonstances contraires ou imprévues. J’attends le train et il est annoncé avec une demi-heure de retard, je n’y peux rien mais ma manière de réagir dépend de moi. Ce peut être l’occasion de développer la vertu de patience. Je peux perdre mon temps ou investir l’imprévu : prier, donner un coup de téléphone… La pénitence passive s’offre quand tout ne fonctionne pas comme prévu, quand il faut supporter avec le sourire une contrariété : le froid, la chaleur, la pluie, l’importun qui vient nous solliciter, le manque de nourriture ou d’assaisonnement… Nous accueillons un événement qui échappe à notre volonté et nous en faisons quelque chose de volontaire. Nous n’en sommes plus les spectateurs parce que nous l’intégrons à notre vie personnelle. Nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Comme ce chef barbare qui reçoit le baptême et est attentif à la cérémonie. A l’issue il va voir l’évêque qui l’a baptisé, lui dit qu’il a bien suivi les rites mais il y en a un dont il n’a pas saisi le sens : quand par deux fois la crosse de l’évêque lui est tombée sur le pied ! L’évêque lui demande pourquoi il n’a rien dit et lui de répondre « Je pensais que cela faisait partie de la cérémonie. »
La messe nous apprend et nous donne d’être unis à Jésus. Elle perpétue son amour manifesté suprêmement sur la Croix. Rien ne peut nous séparer de Lui sauf si nous manquons d’esprit de pénitence. C’est cet esprit qui nous fait chercher et trouver Jésus en toutes circonstances, celles prévues et celles imprévues, car tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu, qui se convertissent sans cesse à Lui.
Abbé Pierre PEYRET